Après plus d’une semaine à Bobo-Dioulasso, l’heure est venue de dresser un premier bilan.
Plus qu’une découverte visuelle et culturelle, nous nous apprêtons tous, sans forcément en mesurer l’ampleur, à vivre une rencontre intellectuelle. Karim Gomina est l’incarnation même de la sagesse et nous nous en rendons compte dès notre arrivée, dans le cadre de l’un de ces fameux « maquis » africains : « Si tu fais un saut dans le feu, il te faudra en faire un autre pour en sortir ». Autrement dit, nous ne devons jamais nous précipiter, particulièrement dans le cadre de Schola Africa. C’est pour cela que Karim a souhaité, durant ces premiers jours, nous faire visiter plusieurs écoles afin que nous prenions conscience des réalités du terrain et de mieux en appréhender les spécificités. En effet, il paraît difficile de mettre en place un projet dans une école si nous n’en avons pas une excellente connaissance : nous risquerions d’aller à l’échec. En Afrique donc, on prend le temps. On prend le temps de l’analyse et de la réflexion, et ce n’est peut-être pas une mauvaise chose. Cette semaine, nous avons donc visité les écoles de Dindéresso, Sarfalao, Bana, Wolokoto et celle du camp peul.
Le passage dans cette dernière a été marquant pour tout le monde. À notre arrivée au camp peul, nous sommes accueillis par des sourires et des poignées de mains chaleureuses. L’équipe de scholeux rejoint alors rapidement les notables bobos et peuls déjà installés autour de l’arbre à palabres. La présence des deux ethnies, et leur coopération, est nécessaire pour la réussite du projet, puisque les peuls, anciennement nomades, se sont sédentarisés sur les terres bobo. Le conseil du village peut alors commencer, et il nous faut aboutir à un consensus quant à l’organisation du chantier de la troisième et dernière salle de classe. À la suite de longs échanges, nous tombons d’accord sur une répartition des tâches fidèle à notre principe de développement participatif : les peuls devront apporter l’eau, les Bobos sont chargés du forage du puits, et Schola Africa s’occupera de l’achat et du transport des agrégats.
Cependant, Karim nous a plus tard fait remarquer certaines subtilités dans le déroulement du conseil, que nous, occidentaux, ne pouvions pas saisir sur le moment. Par exemple, les Bobos présents ont proposé au chef peul d’ouvrir les discussions en raison de son ancienneté. Cependant celui-ci a refusé en leur expliquant que c’est aux autochtones, premiers habitants des terres, de prendre la parole en premier. Les Bobos ont alors ouvert le conseil, et pour le bon déroulement de la discussion, cela était primordial : dans le cas contraire, ces derniers auraient été offensés et la coopération menacée.
Cette anecdote illustre le fait que pour mener à bien une action humanitaire, de multiples facteurs culturels entrent en jeu ; il faut composer avec ces derniers. Visiter le camp peul, et plus généralement les écoles dans lesquelles nous agissons à chaque mission nous permet donc d’approfondir progressivement notre connaissance du terrain, et d’adapter en conséquence notre projet. Comme dirait Karim : « l’œil peut voir si la sauce est huileuse, mais pas si elle est salée ».